Capestang : château des Archevêques

vue générale

vue générale

Daté du XVe siècle, à Capestang, le plafond peint du château des archevêques de Narbonne, s’il est connu des initiés depuis longtemps, n’est accessible au public depuis seulement quelques années. Un centre d’interprétation permet de comprendre le contexte historique qui a permis l’élaboration de ce programme iconographique aussi subtil que merveilleux, pourtant situé dans un « simple » lieu de villégiature, non pas dans le siège archiépiscopal, mais dans une petite ville active dont l’archevêque était le seul seigneur .

Adresse et possibilité de visite :

Boulevard Pasteur, 34310 Capestang

Visite libre, avec un centre d’interprétation.
Ouvert de mi-juin à fin septembre de 10h à 19h
Hors saison : 10h à 12h et de 15h à 18h

Un petit livret d’aide à la visite est vendu sur place pour 5€, ainsi que l’ouvrage Aux sources des plafonds peints médiévaux : Provence, Languedoc, Catalogne, ed. de la RCPPM, 2011.

Cliquer ici pour savoir comment y aller ; pour les renseignements touristiques, le site de l’office du tourisme ici

Histoire

Il exista d’abord, implanté au plus haut de la colline, un donjon, aujourd’hui disparu, disputé entre la principale famille seigneuriale locale, les Gaucerand, et leur seigneur l’archevêque. En contrebas, les archevêques édifièrent, dès le XIIe siècle, un château qui leur appartînt en propre, dont le développement accompagna celui de leur pouvoir. Aux lendemains de la croisade albigeoise, les Gaucerand furent pourchassés et éliminés. Les archevêques restèrent seuls maîtres de d’un Capestang devenu une ville active. Selon une analyse dendrochronologique pratiquée en 2003, c’est entre 1237 et 1270, qu’au-dessus d’un bâtiment bas et plus ancien aurait été élevée la grande salle de ce château.

plafond de capestang Une vaste enceinte s’ajouta au logis seigneurial, désormais desservi par un escalier monumental (détruit dans les années 50). Puis Bernard de Fargues (1311-1341), neveu du pape Clément V, s’attacha à décorer le château, au début du XIVe siècle. Il fit orner la grande salle d’apparat de peintures murales, encore visibles, qui font alterner ses armes personnelles avec celles des lys de France et de l’Eglise de Narbonne. A l’époque, le plafond n’existait pas : la grande salle était recouverte d’une charpente, soutenue par des arcs diaphragmes, décorés de peintures, qui culminaient à plus de 8 mètres de haut. Au milieu du XVe siècle, les Harcourt, Jean (1436-1451) puis Louis (1451-1460), qui se succèdent à l’archiépiscopat, modifient profondément la salle, avec l’ajout du plafond qui limite la hauteur de la salle à 4,50m et la division de l’espace en trois pièces distinctes. Quelques traces de ce cloisonnement nous sont parvenues, et le décor du plafond le manifeste par son iconographie. La même analyse dendrochronologique date l’abattage des poutres de 1446 et le décor héraldique du plafond mêle aux armes de l’église de Narbonne celles de la famille d’Harcourt

les avatars du château  (XVIIe-XXe siècle)

Le château abritait , du temps de sa splendeur médiévale, les services administratifs et le tribunal de l’archevêque. L’archevêque y faisait de fréquents, mais sans doute courts, séjours. Mais, comme de la plupart de leurs autres 18 châteaux, les archevêques se désintéressèrent de leur logis capestanais à la période moderne. Dès le milieu du XVIIe siècle, la chapelle est en ruines. Au XVIIIIe siècle, le château ne sert plus qu’à abriter la salle de justice (appelé auditoire) et rassembler les revenus de l’archevêque à Capestang et dans les alentours dans un logis. De ce logis, une partie est en ruine et l’autre est devenue une suite de greniers, comme le révèlent les visites d’entretien du château en 1753-54 (Archives départementales de l’Aude, G 391, f° 145v°-147 v° et de 1763-67 (ib. G 392, 175-180).

Le château, vendu en 1791, comme bien national subit de profondes transformations dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Les propriétaires construisirent, à la place de la salle de justice, une vaste maison qui empiéta sur la salle d’apparat, englobant la poutre 5 (la numérotation va du Sud au Nord) et le chevêtre qui furent ainsi abrités sous de faux-plafonds. Plus tard, le plancher de la grande salle fut abaissé de près d’1,5 m. En 1855, les propriétaires firent faire au grand architecte Revoil des relevés aquarellés des décors et en 1875, à Louis Fouchère un dessin de la cheminée monumentale qui disparut ensuite, les uns et les autres conservés à la Médiathèque de l’architecture et du Patrimoine. Le château fut acheté par la mairie en 1937, inscrit à l‘Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1956 ; le plafond classé en 1981 et le château entier en 1995. En 2003-2004, une étude préalable fut confiée à l’architecte en chef Dominique Larpin et Agnès Marin, pour la cabinet Hadès, réalisa une analyse archéologique très fructueuse, qui découvrit notamment le cloisonnement de l’espace, ignoré jusqu’alors. Le plafond fut rendu accessible au public en 2008 et un espace d‘interprétation aménagé. C’est alors que furent abattus les faux plafonds et les poutres qu’ils cachaient, connues seulement d’un courageux explorateur qui en avait fait un premier relevé photographique, apparurent dans la splendeur de leurs couleurs.

Description

La grande salle, qui n’est pas tout à fait rectangulaire, mesure environ 20 m de long et 8,40m de large. Le décor du plafond peint couvre tout l’espace de la vaste et primitive salle d’apparat du château.

Le plancher est soutenu par cinq poutres, ces dernières elles-mêmes soutenues par des corbeaux en forme d’engoulants, et peintes de motifs végétaux, géométriques ou armoriés. Solives et couvre-joints sont également peints. Les poutres, en sapin, mesurent 0,25 m de large sur 0,45 de haut.

Sur ces poutres prennent appui 18 solives d’environ 0,10 m de section, dont la portée dépasse 10m.

Des planchettes inclinées (closoirs), mesurant environ 19 cm de haut, 43 cm de large et 1 cm d’épaisseur obturent l’espace entre les solives. A l’origine il y en eut 203 ; il en reste aujourd’hui 168. Elles étaient glissées dans des fentes ménagées  et s’appuyaient sur des planchettes, elles-mêmes peintes, qui les soutenaient.

Le décor ne se limite pas aux peintures des closoirs, mais il est aussi porté par un ensemble raffiné de planchettes, baguettes, moulures, quarts-de-rond, joints et faux-joints qui, en outre, adoucissent les angles et construisent une géométrie subtile. Décor végétal de volutes lotus et de vignes sur les planchettes ; plus fines les diverses baguettes sont agrémentées de tores ou de pyramides. Comme au château de Gabian, une corniche de 30 cm de haut, disparue aujourd’hui, agrémentée d’une moulure, courait tout autour de la salle, tout en haut des murs, au ras du plafond, descendant autour des engoulants.

Il n’y a en revanche, pas la moindre trace de pigments sur les merrains. Sur le plancher lui-même, l’unique décor des parois est le quadrillage des joints et faux-joints, décorés.

« L’agencement du plafond est fondé non sur l’assemblage, assuré ponctuellement par quelques clous, mais sur une technique d’empilage qui exige une rigueur absolue dans la mise en œuvre » (Agnès Marin). 

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Un rouge très puissant en est la tonalité dominante du décors peint, même s’il alterne avec un gris vert comme fond des closoirs. Un peintre très talentueux, au fait des derniers développements des goûts picturaux, est l’auteur d’un grand nombre de ces closoirs. Le « maître de Capestang », peint à merveille le mouvement des animaux et la transparence des voiles des coiffures féminines. Au moins une autre main beaucoup plus pataude, a aussi collaboré à l’ouvrage.

Iconographie

 L’ensemble des images est disponible en cliquant ici 

Les closoirs portent des scènes variées : animaux réels ou hybrides (notamment des oiseaux, présents en grande quantité), personnages et scènes de société (danse et scènes courtoises, partie de chasse, travaux agricoles…), ainsi que les armoiries du commanditaire. On trouve quelques rares closoirs aux motifs strictement religieux, mais sous la splendeur de nombreuses scènes se lit un message moralisant. Le visiteur contemporain les voit avec surprise en côtoyer d’autres au thème obscène.

La répartition des images dans cet espace à fait l’objet d’une attention soignée. La petite salle de parement, qui était dotée d’une cheminée, possède des closoirs représentant des laïcs (avec peut être une évocation des 3 âges de la vie) ainsi que des scènes scatologiques ou parodiques (en rouge sur le plan). Cet espace ne possède aucune image religieuse à proprement parler.

Le visiteur pénétrait ensuite dans la grande salle d’apparat, dont l’iconographie est plus complexe. La porte était en effet surmontée d’un ensemble cohérent tout à fait remarquable de 9 closoirs décrivant une procession de couples courtois, accompagnée de musiciens et de fous. La construction de cette série, qui suit une symétrie axiale tout en respectant l’ordre de lecture général des images à Capestang (de la droite vers la gauche), témoigne du niveau de sophistication que ce type de support pouvait mobiliser.

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La poutre centrale de la salle d’apparat joue quand à elle un rôle tout particulier puisqu’elle supporte une iconographie purement héraldique, constituée de l’alternance des armes personnelles de l’archevêque et celle du chapitre de Narbonne. Le reste de cet espace est constitué de closoirs aux sujets très variés, renvoyant à des scènes religieuses (Saint Jean l’Evangéliste, le monogramme du Christ… en bleu sur le plan), à des fables, ou des rituels « populaires » (les soufflacus).

Chose exceptionnelle, la décoration des poutres du plafond du plafond de Capestang est solidaire des closoirs qu’elles supportent, et témoigne de la division physique de cet espace.

Classé au titre des Monuments Historiques en 1995 (aller sur la base Mérimée)

Bibliographie spécifique et récente :

  • Pierre-Olivier DITTMAR et Jean-Claude SCHMITT, « Le plafond peint est-il un espace marginal ? L’exemple de Capestang », in Plafonds peints médiévaux en Languedoc, Actes du colloque de Capestang, Narbonne, Lagrasse, 21-23 février 2008, pp 67-97, édition Presses Universitaire de Perpignan, 2009.
  • Catherine FERRAS et Jean-Michel SAUGET,  Capestang. histoire et inventaire d’un village héraultais, Pays Haut-Languedoc et Vignobles  2011 (à rajouter en biblio)
  • Marie-Laure FRONTON-WESSEL, « Homogénéité et nuances thématiques autour de Narbonne, à travers les plafonds peints de Lagrasse et de Capestang », in Plafonds peints médiévaux en Languedoc, Actes du colloque de Capestang, Narbonne, Lagrasse, 21-23 février 2008, pp 99-113, édition Presses Universitaire de Perpignan, 2009.
  • Agnès MARIN (Cabinet Hadès), Le château épiscopal de Capestang, Rapport d’étude archéologique du bâti, DRAC, CRMH, 2003-2004, 3 volume
  • Jacques PEYRON, Les plafonds peints gothiques en Languedoc, thèse de IIIe cycle, dir par Jacques Bousquet, Université Paul Valéry, Montpellier, 1977,
  • Abbé GIRY, « La salle haute du Château de Capestang », in Bulletin de la société des amis de Nissan, 1956, p.17-19.

Annexes

Le sytème particulier de liaisonnement métallique par broches des abouts de poutres dans le mur, système destiné à éviter un basculement des consoles insuffisamment pénétrantes dans le mur.
dessins Frédéric Mazeran.

<a href= »http://medihal.archives-ouvertes.fr/medihal-00550616/fr/ » title= »Plafond du château des Archevêques de Narbonne, Capestang, Cordonnier Michel »><img src= »http://medihal.archives-ouvertes.fr/docs/00/55/06/16/archives/thumb320.jpg » alt= »Plafond du château des Archevêques de Narbonne, Capestang, Cordonnier Michel » /></a>

RESTIT 3D Joël ROURE

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