Le closoir du mois : Jaume de Carcassonne (ou son père)
Montpellier, Ostal des Carcassonne
Transposons-nous dans le Montpellier médiéval de la fin du XIIIe siècle…
Ville marchande spécialisée dans le commerce du drap écarlate, teinté grâce au kermès, les bourgeois et négociants font construire des demeures patriciennes et ostals magnifiques, dans la partie haute de la ville. Sur la petite place jouxtant l’église Notre-Dame-des-Tables (aujourd’hui, Halles Castellane) se trouve une des rares demeures à avoir conservé sa tour, qui marque l’angle des rues de la Vieille et celle de la Draperie Rouge…
Lors de travaux de réaménagement au début des années 2000, on découvre les vestiges d’un somptueux plafond peint et d’une fresque, ornant la « chambre » d’apparat de l’ostal. De nombreux motifs sur la fresque montrent un éléphant sonnant avec sa trompe transformée en cor, alternant avec le motif d’une cloche surmontée d’une fleur de lys, images toutes deux « sonores » s’il en est. Même si l’étude dendrochronologique date les bois des années 1270-1280, il semble que stylistiquement, le décor ait été réalisé plutôt dans la première moitié du XIVe siècle.
Une étude menée par Bernard Sournia et Jean-Louis Vayssettes permet d’identifier la famille propriétaire du bâtiment à l’époque médiévale : les Carcassonne. Le patronyme apparait dès le XIIe siècle dans les chartes montpelliéraines et en 1284 on rencontre un marchand du nom de Bernard de Carcassonne.
En 1374, l’ilot de maisons en question porte le nom de Jaume de Carcassonne. Ce dernier est visiblement le propriétaire de notre ostal et il y exerce le métier de changeur ou cambiador, tout comme son frère Guillaume. Ils accèdent tous deux à la charge de premier consul de la ville, respectivement en 1385 et 1398 et sont anoblis en 1396. Une famille notable et bien implantée dans la cité !
L’écu peint sur les plafonds serait donc celui de la famille de Carcassonne, et certainement celui du père de Jaume et de Guillaume.
L’écu des Carcassonne peut se blasonner ainsi :
« De gueules à trois cloches d’or fleurdelisées d’argent, à la bordure d’or »
Ce sont des armoiries à la fois allusives et parlantes, car elles sont « sonores » et elles sonnent…. Comme dans le patronyme « Carcassonne » !
Pour en savoir plus :
Bernard Sournia et Jean-Louis Vaysettes,
L’ostal des Carcassonne, La maison d’un drapier montpelliérain du XIIIe siècle,
Monuments historiques et objets d’art du Languedoc-Roussillon
DRAC, Ministère de la Culture, 2014
Ouvrage téléchargeable gratuitement ici :
Pascal Maritaux, Conservateur-Restaurateur au LA3M
Le plafond de l’hôtel des Carcassonne à Montpellier