Metz : Plafonds au bestiaire peint (8, rue Poncelet)
Les plafonds au bestiaire peint du XIIIe siècle conservés au Musée de La Cour d’Or – Metz Métropole font partie des œuvres emblématiques du patrimoine médiéval messin. Malgré plusieurs tentatives d’étude et d’analyses, ils restent toutefois difficiles à comprendre et à décoder. Ils font partie, avec le plafond peint du XIIe siècle de l’église Saint-Martin de Zillis en Suisse -avec lequel ils ont quelques analogies pour la représentation des êtres marins hybrides- des plus anciens plafonds peints conservés ou connus à l’heure actuelle. Ainsi, toutes sortes de créatures prenaient place au beau milieu d’une ancienne demeure messine et nous donnent un magnifique aperçu de l’imaginaire débordant des hommes du Moyen Age.
Informations pratiques :
Musée de La Cour d’Or – Metz Métropole
2, rue du Haut Poirier, 57000 Metz, Tél : +33 (0)3.87.20.13.20 Fax : +33 (0)3.87.36.51.14
Internet : http://musee.metzmetropole.fr Courriel : musee@metzmetropole.fr
Ouvert tous les jours sauf le mardi :
Lundi, mercredi, jeudi, vendredi : 9h- 17h, Samedi et dimanche : 10h- 17h.
Horaires spécifiques du 9 mai au 17 septembre 2012 : 10h-18h.
Bibliothèque du Musée de La Cour d’Or – Metz Métropole
Ouvrages, périodiques et fonds documentaire en relation avec les collections du musée.
Consultation sur place, du lundi au vendredi, Sur rendez-vous au 03.87.20.13.29
Découverte et dépose :
La découverte de ces deux plafonds peints médiévaux au printemps 1896 s’est produite lors des travaux de rénovation d’une ancienne maison au n°8 rue Poncelet à Metz qui allait devenir une école supérieure de jeunes filles. Ce fut un évènement relativement marquant pour les passionnés d’archéologie et d’art médiéval de l’époque et grâce à l’architecte Wilhelm Schmitz, qui eut la possibilité d’en faire un relevé in situ avant dépose, nous connaissons à l’heure actuelle l’agencement et la disposition d’une très grande partie des figures peintes restées en ces lieux près de sept siècles. Les plafonds, qui recouvraient deux salles du rez-de-chaussée de leur maison d’origine, ont été les premiers d’une longue série de plafonds peints messins à être déposés et transférés au Musée de Metz. Certaines figures, assemblées parfois de façon différente de celle du relevé du XIXe siècle, sont le témoin d’un parti pris par l’ancien conservateur du Musée de rassembler des fragments de l’œuvre qui était certainement lacunaire. Les deux plafonds ont été appelés durant de nombreuses années « Plafonds du Voué », car l’on pensait à tort que cette demeure était à l’époque médiévale l’Hôtel du Voué, (siège de l’institution judiciaire appelée vouerie) alors que ce dernier semblait se trouver dans une autre rue aujourd’hui disparue -anciennement appelée rue du Voué- à l’emplacement actuel de la place de la République. En réalité, Jérôme Fronty a révélé dans une étude récente qu’il s’agissait d’une maison appartenant au chapitre de la collégiale Notre-Dame-la-Ronde et que le commanditaire des plafonds devait donc être un chanoine. Cette œuvre exceptionnelle bénéficie depuis les années 1980 d’une installation remarquablement inventive au sein du Musée, puisqu’elle est présentée dans trois salles d’expositions, à la fois « au plafond » de façon inclinée, mais également dans des vitrines murales afin que le spectateur soit confronté de très près à toutes sortes de créatures extraordinaires. Quelques figures insolites trop longtemps conservées en réserve ont retrouvé leur place auprès des autres déjà exposées, et parmi lesquelles deux ont été prêtées à l’exposition Chefs-d’œuvre ? du Centre Pompidou-Metz.
Description :
Si l’on se fie aux relevés de Wilhelm Schmitz, l’ensemble de l’œuvre était réparti sur deux pièces, et réalisé selon une composition quelque peu différente. Néanmoins, les deux plafonds en chêne bénéficient d’un système d’assemblage identique, puisque les planches peintes à la détrempe, chevillées sur les poutres, sont bouvetées « en V » : autrement dit, elles s’insèrent les unes dans les autres au moyen de languettes biseautées sur l’une de leurs tranches, alors que l’autre extrémité forme une rainure destinée à recevoir la languette de la planche suivante. La surface du bois, rugueuse et non préparée, suggère une mise en peinture postérieure à l’installation des plafonds. Si la polychromie d’une grande partie de l’ensemble de figures est remarquablement bien conservée, ce n’est malheureusement plus le cas pour certains éléments conservés en réserve, notamment les poutres qui ont certainement dû être plus difficiles à manipuler lors de la dépose et de leur transfert au musée.
Le premier plafond, appelé « plafond A », en plus des poutres peintes ornées de motifs végétaux et de rinceaux sur leurs trois faces visibles, est habité par cinquante-huit figures qui représentent à la fois des personnages ou des créatures hybrides de nature fort diverse. Si chaque figure prend place dans des médaillons ou des cadres de façon alternée afin de créer un effet rythmique – d’autant plus que leur position et la direction de leurs regards sont variables afin de rompre la monotonie d’une frise animale-, les trente et une figures du « plafond B » sont présentées uniquement dans des médaillons. Jérôme Fronty propose un agencement bien différent de celui de Wilhelm Schmitz, puisqu’il devait y avoir selon lui trois pièces contiguës dans la maison d’origine au lieu de deux. Quoi qu’il en soit, la richesse de ces créatures est remarquable. En effet, en plus des quelques figures humaines et des animaux réels comme par exemple un hérisson, un cheval ou encore un coq, nous retrouvons une série incroyable de figures fantastiques composées de différentes parties d’animaux communs. Le spectateur se trouve face à un bestiaire médiéval comme il se doit, où se rencontrent des têtes animales ou humaines portant des capuches, des queues de dragon, d’oiseaux ou de poissons, des griffes ou des palmes, des corps de félins ou de cervidés, le tout reflétant l’imaginaire médiéval, qui malgré tout, n’avait pas les mêmes frontières que les nôtres puisque si les hommes du Moyen Age n’avaient jamais vu de licornes, de grylles, de griffons ou de monstres marins, ils étaient convaincus de leur existence.
Une analyse dendrochronologique des plafonds a situé l’abattage du bois « après 1220 » pour les plus anciens éléments et « après 1241 » pour les plus récents. Toutefois, plusieurs études stylistiques et iconographiques situent la date de mise en peinture dans les années 1275. D’après Séverine Mussard et Jérôme Fronty, le peintre du Moyen Age, en plus des bestiaires contemporains, aurait puisé son inspiration dans un texte grec du IIe le Physiologos, notamment pour quelques figures singulières comme celle de l’éléphant, du hérisson dont les pics retiennent des grains de raisin, ou encore l’autruche qui tient dans son bec un élément métallique identifié comme étant un fer à cheval. Il est également presque certain que l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien devait faire partie des références littéraires à l’origine du choix iconographique des figures peintes aux plafonds. D’autres œuvres réalisées sur différents supports présentent un type iconographique similaire, comme par exemple le décor sculpté du portail de Notre-Dame-la-Ronde de Metz, ou un baldaquin de Sicile, témoins de la circulation constante des motifs artistiques à l’époque médiévale.
Nathalie Pascarel, étudiante en Master Recherche d’Histoire de l’Art et de l’Architecture à l’Université de Strasbourg, juillet 2010.
Musée de La Cour d’Or – Metz Métropole: Plafonds au bestiaire peint du n°8 rue Poncelet, Metz, troisième quart du XIIIe siècle, n°inv. 8352/1-58 ; 8352/1-31 et 8354/1-11.
Bibliographie spécifique et récente:
– ADRIAN (A.), « Plafonds au bestiaire », in Chefs-d’œuvre?, exposition inaugurale du Centre Pompidou-Metz, 12 mai 2010-29 août 2011, Metz, Centre Pompidou-Metz, 2010, p. 414.
– BARDIES-FRONTY (I.), (dir.), Musées de Metz : Dossiers d’œuvres, Metz, Musées de Metz La Cour d’Or, 2007.
– BARDIES (I.), DEBIZE (C.), FRONTY (J.), Cent chefs-d’œuvre de Lorraine, Metz, Editions Serpenoise, 2006.
– FRONTY (J.), L’étrange bestiaire médiéval du musée de Metz : un poisson dans le plafond, Metz, éditions Serpenoise, 2007.
– HANS COLLAS (I.), « Plafonds peints : Metz, Maison, 8 rue Poncelet », in Vivre au Moyen Âge : Luxembourg-Metz et Trèves, Luxembourg, Musée d’histoire de la ville de Luxembourg, 1998, p.330-335.
– MUSSARD (S.), Plafonds peints du XIIIe siècle du musée de Metz : un énigmatique bestiaire, mémoire de maîtrise, Histoire de l’Art, Strasbourg II, 1992.
– MUTELET (M.), Metz d’Autrefois : Metz en un choix iconographique du Moyen Âge à la Révolution, Metz, Marius Mutelet éditeur, 1965.
– SCHMITZ (W.), « Die bemalten romanischen Holzdecken im Museum zu Metz », Zeitschrift für christliche Kunst, Tome X, 1897, p.70-85.
Notes :
Plan de Julien TRAPP et de Pierre-Edouard WAGNER dans : DUPOND (R.), Metz, place de la République : 2000 ans d’histoire, Metz, éditions Serpenoise, 2010, p. 17.
FRONTY (J.), L’étrange bestiaire médiéval du musée de Metz : un poisson dans le plafond, Metz, éditions Serpenoise, 2007.
SCHMITZ (W.), « Die bemalten romanischen Holzdecken im Museum zu Metz », Zeitschrift für Christliche Kunst, Tome X, 1897, p.70-85.
FRONTY (J.), L’étrange bestiaire médiéval du musée de Metz : un poisson dans le plafond, Metz, éditions Serpenoise, 2007, p. 10-11 et 80-81.
Merci pour ce très intéressant billet.
Vous trouverez quelques photos supplémentaires des figures de ce plafond et leur pendant sur le portail nord de la cathédrale ici :
http://www.yvesago.net/pourquoi/2012/05/les-bestiaires-du-portail-nord-de-la-cathedrale-de-metz.html
Merci de vous être penché sur ces images passionnantes et forts complexes (personnellement elles ne me semblent pas différer tant que ça du portail des libraires, la présence de coules venant chapeauter nombre de ces hybrides me ferait plus pencher pour l’image d’une humanité dégradée que d’un discours encyclopédique. A ce titre, il me semble qu’il faut considérer aussi l’homogénéité des trois panneaux de gauche).
Malheureusement, comme ce portail est visiblement très remanié, on est bien gêné pour avancer des interprétations. Espérons que sa restauration sera un jour mieux documentée.
Juste pour info, la base THEMA n’indexe pas 50 mais, à ce jours, 8675 exempla!
Bravo pour votre curiosité fertile!
P.-O. Dittmar