Aragon, Eglise Sainte Marie
Corbeaux et pièces de charpente classés au titre des objets mobiliers le 26 /12/2001
Adresse
Aragon, Eglise sainte Marie
Contexte Historique
Peu avant la peste de 1348, avec ses 126 feux, soit plus de 500 habitants, Aragon était l’un des plus gros villages du Cabardès. Tout en haut, dominant les maisons, on venait d’y construire une nouvelle église paroissiale.
A la fin des années 1980, l’état de la toiture décida la commune à engager sa réfection : selon un scénario bien connu, on découvrit, en place, une charpente peinte : la fraîcheur de ses couleurs étonna. Certains éléments originaux, démontés, furent présentés sur les murs de l’église : quatre planches faîtières, plusieurs corbeaux portant un décor peint. Le décor de la travée ouest fut reconstitué en partie avec des éléments neufs. Sur le reste de la nef, les voûtes du xixe siècle subsistent et cèlent encore une partie de la charpente médiévale.
Si la charpente n’est pas entièrement connue, les éléments découverts en disent assez sur le style et l’organisation du décor. La disposition des corbeaux de pin – un peu plus de la moitié est connue – semble bâtie sur une alternance des couleurs, les uns rouges, les autres noirs, et des formes. Leurs joues portent un classique décor végétal de rinceaux. Sur les 53 corbeaux connus, 7 sont décorés d’un visage, en teinte claire sur fond vif : vus de trois quarts, dessinés de quelques traits, très vivants malgré l’absence de rides et de volumes. On y voit un roi et une reine, un homme à courte barbe, un personnage à encolure brodée, et cale attachée sous le menton : archétypes humains figurant, selon le même principe qu’à Trèbes, la variété du peuple de Dieu.
Le plus original se tient sur les planches faîtières, entre les poutres. Classiquement complétées d’un décor de rinceaux, elles portent au centre, des médaillons armoriés entrelacés, accostés par des êtres hybrides, certains mi-animal mi-homme. Parmi ces hybrides, figure, entre autres, un dignitaire ecclésiastique, abbé ou évêque, mitré, main droite levée : eux aussi sont exposés à la tentation.Les écus du roi de France, de l’abbé de Lagrasse Auger de Gogenx (1280-1311) voisinent avec celui de Jean de Chevry, évêque de Carcassonne de 1298 à 1300 et surtout de son successeur, Pierre de Rochefort (1300- 1322), présent à trois reprises, présent aussi à l’église de Pomas. Ces écus permettent de dater la construction de l’église et du décor des dix premières années du XIVe siècle. Leur fonction est d’affirmer l’autorité et les droits de leur titulaire.
Bibliographie
Rivière (Jean-Claude), « Les bois peints de Sainte-Marie d’Aragon : témoins inattendus des échanges entre Espagne et Languedoc au xive siècle » in Archéologie en Languedoc, n° 27, 2003, p. 125-138.
Rivière (Jean-Claude), « Les engoulants de la charpente décorée de Sainte-Marie d’Aragon (Aude) – xive siècle », in Archéologie en Languedoc, n° 30, 2006, p. 311-314.
Monique Bourin